Rachel Watson (Emily Blunt) est une fille qui prend chaque matin le train pour se rendre de sa banlieue New-yorkaise au centre ville. Meurtrie par un douloureux divorce, elle se cherche en se perdant, le temps du trajet, dans la contemplation d’un monde qui se profile furtivement sous ses yeux à travers la fenêtre de son compartiment. Dans une tentative de remonter le temps pour retrouver la fille qu’elle fut jadis, elle prend de plus en plus intérêt à épier un couple qui s’enlace chaque jour sur la véranda de leur maison.
Ce couple, cette femme blonde inconnue, symbolisent aux yeux de Rachel l’amour parfait qu’elle aurait souhaité vivre elle-même. La réalité s’avère pourtant être bien loin du fantasme qu’elle s’est créée. Ses convictions oniriques basculent le jour où elle aperçoit la jeune femme embrasser un autre homme. Cette trahison va troubler Rachel au point de semer le doute dans son esprit et d’éveiller des souvenirs éprouvants liés à son divorce qu’elle avait jusque là enfoui. La disparition de la jeune femme va l’obliger à sortir de sa torpeur et à affronter la réalité… une réalité qui va la confronter à la police, au mari et amant de la jeune femme disparue mais surtout à son ex-mari et sa nouvelle femme avec qui il vient d’avoir un enfant.
Le suspense du voyeur
Adaptation cinématographique éponyme du roman à succès de Paula Hawkins, La fille du train reprend le thème du voyeurisme comme échappatoire psychologique pour tromper son mal être et l’associe au thriller policier. Un peu à la manière de Fenêtre sur cour de Hitchcock où James Stewart devenait, malgré lui, témoin d’un meurtre, le film tente de créer un suspense à travers une enquête menée par l’héroïne dans le but d’élucider le mystère d’une disparition. Bien sûr, toute comparaison avec le chef d’œuvre du grand maître du suspense s’arrête là.
A travers la multiplication des non-dits et des situations ambigües, La fille du train impose au spectateur une lenteur scénaristique qui agace plus qu’elle n’accroche. La volonté de rendre compte de l’intrigue policière tout en préservant intactes tous les caractéristiques du roman psychologique est probablement la cause de cet échec d’adaptation cinématographique.
Paranoïa et Alcoolisme
Récit avec des sensibilités – et même des préoccupations – avant tout féminines, le film est une étude psychologique qui dresse le portrait d’une femme en pleine détresse. Plutôt que de nous intéresser à connaître le sort de la jeune disparue pour laquelle, d’ailleurs, nous ne parvenons pas à cultiver une très grande empathie, le spectateur suit la décente aux enfers de Rachel, l’héroïne centrale, et de son émergence progressive. L’alcoolisme de Rachel, parfaitement mis en scène par une Emilie Blunt qui trouve ici l’occasion d’amocher son image de star trop glamour, rend compte de sa profonde détresse.
C’est cet alcoolisme au féminin qui se trouve à la source des hallucinations du personnage et qui lui fait perdre toute crédibilité. C’est ce même alcoolisme qui sert de source pour ravitailler le scénario d’une suite de scènes équivoques destinées à aguicher l’intérêt du spectateur. Lorsque la vérité nous est enfin révélée grâce à un moment de lucidité du personnage principal, nous nous rendons compte que les véritables enjeux du film portent sur des problématiques assez sérieuses telles que l’adultère, le mensonge et la violence conjugale. Malheureusement le dénouement qui se veut cathartique ne rend pas forcement justice au traitement de ces thèmes. Ainsi, nous restons les passagers passifs de ce trajet onirique où se mêlent, telles des figures archétypes, des blondes épurées et des bruns ténébreux, des couples faussement complémentaires qui s’unissent pour mieux s’aimer et pour encore mieux se trahir. – GV



