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En 2016, le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu, déjà primé l’année précédente avec l’oscar du meilleur réalisateur pour Birdman, raffle à nouveau la précieuse statuette en livrant un film qui fut un succès autant critique que commercial. La simplicité de cette histoire de vengeance est vite écartée face à son approche thématique subtile qui témoigne du degré de maîtrise et de talent qui a été requis pour la conception dramaturgique et la mise en scène. Si le film se distingue par son étonnant symbolisme réaliste, il excelle surtout par le jeu d’acteur de deux comédiens charismatiques et inspirés : Leonardo DiCaprio et Tom Hardy.

1. L’intrigue

Tout commence dans un paysage glacé, hostile et d’une violence banalisée, où un groupe de trappeurs se retrouve assiégé par des indiens qui pillent leur marchandise et les massacrent. Obligés de fuir leur camp et abandonner la plus grande partie des fourrures qu’ils avaient rassemblé avec autant de peine, les hommes suivent Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) qui est chargé de les guider à travers la montagne et les territoires indiens et de les ramener sains et saufs au Fort. Une friction qui ne cesse de s’intensifier s’établie dès lors entre John Fitzgerald (Tom Hardy) et Hugh Glass. Fitzgerald n’aime pas Glass et conteste ses choix de Guide. Mais ce qui dérange véritablement Fitzgerald est la présence dans le groupe de Hawk (Forrest Goodluck), le fils de Glass qui est d’origine amérindienne. Un matin, alors que Glass s’éloigne de l’expédition pour chasser, il est attaqué par un ours. Blessé grièvement, les hommes, sous les ordres d’Andrew Henry (Domhnall Gleeson), le Capitaine et négociant en fourrures, vont essayé de le sauver mais ne pouvant plus poursuivre leur ascension dans la montagne aride en compagnie de Glass, ils vont se résoudre à confier sa survie à Fitzgerald. Erreur fatale qui va entrainer le meurtre de Hawk par Fitzgerald sous le regard impuissant de Glass. Laissé pour mort, Glass va littéralement ramper hors de sa tombe afin de traquer et venger le tueur de son fils.

2. Le thème de la vengeance

Le Revenant est bien plus qu’une histoire de vengeance. Le film nous transporte dans une partie de l’histoire américaine, très peu évoquée à ce jour. Le paysage, d’une beauté sauvage, ainsi que les rapports de forces raciaux et commerciaux mis en place entre l’homme blanc (américain et français) et les diverses tribus amérindiennes ne sont pas sans rappeler Le dernier des Mohicans. A travers les personnages de Glass et Fitzgerald s’expriment deux approches à la vie, à la nature et à l’autre radicalement opposées. Glass représente la mesure, la tempérance archétype de l’homme qui souhaite vivre en équilibre et en paix avec la nature et la société des autres hommes qui l’entourent. La spiritualité du personnage transcende tout au long du film par son absence de mots. La performance physique de DiCaprio réussit, justement, à rendre compte de cette sphère surnaturelle qui caractérise le personnage qu’il interprète. Le spectateur est souvent plongé dans l’imagerie onirique de Glass qui devient la source de sa puissance et de sa détermination à s’accrocher à la vie coûte que coûte. D’une incontestable beauté poétique, ces rêveries permettent justement à Iñárritu d’entremêler visuellement deux discours distincts : celui du récit anecdotique au propos philosophique sur l’homme et ses enfers.

3. Les damnès

A l’antipode nous retrouvons l’hybris de Fitzgerald. Homme déchiré par ses passions et son orgueil, il commet là son premier crime. Envieux, lâche et sans scrupules, il cherche à profiter des situations au détriment de tout ce qui l’entoure pourvu que cela assure son bien être. En un certain sens, lui aussi manifeste tout au long du film sa propre détermination à survivre. Au silence de DiCaprio s’oppose le bavardage de Tom Hardy. Ses monologues ne sont pourtant jamais gratuits. Ils servent à exposer la noirceur de cette âme damnée qui fait de son mieux pour exister dans un monde qui ne fait pas de cadeaux. Iñárritu, réussit a rendre compte d’une histoire passionnante de confrontation entre deux hommes que tout sépare et tout unit. Sa caméra s’infiltre comme un serpent dans l’espace naturel avec des longs plans séquences d’une force et grâce exceptionnelle. Ce qui est d’autant plus impressionnant dans ses plans-séquences est le glissement du point de vue qui s’opère au cours d’une seule prise. La caméra virevolte et voilà que tout d’un coup le spectateur – qui jusque là n’était qu’un simple observateur des événements – adopte le point de vue du personnage, devient lui-même LE personnage, et se retrouve autant investi qu’impliqué dans le récit filmique.

4. Mention Spéciale

Nous devons, pour finir, faire une mention spéciale à la scène d’attaque de Glass par l’ours qui est incontestablement d’un réalisme singulier. La caméra d’Iñárritu est plaquée contre le visage de DiCaprio qui mêle son souffle au souffle de l’animal. Confiné dans l’espace étroit du cadre cinématographique, le réalisateur « tient » son acteur comme la bête tient son homme. Cela permet à DiCaprio de se révéler et montrer l’étendu de son talent. Paradoxalement, ce cadrage serré lui laisse l’espace nécessaire afin d’exposer à l’écran une large palette de sentiments de détresse. De la peur à la haine, de la désolation à l’espoir, DiCaprio a sût se frayer son chemin vers les Oscars et à remporter un titre bien mérité et dont il fût trop longtemps privé. – GV

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