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Mad Max, le « cowboy » solitaire errant dans le désert post-apocalyptique de George Miller a repris du service en 2015 pour nous entrainer, plein gazes, dans la folie cauchemardesque de son monde. Le quatrième volet de la saga était longuement attendu des fans. Après le décevant Mad Max 3 : An delà du dôme du tonnerre la tentative de renouer avec les thèmes fondamentaux de l’univers de Miller est évidente. Pourtant, ce nouveau Mad Max, interprété désormais par Tom Hardy, se distingue de celui incarné par Mel Gibson. Max, plus silencieux que jamais, est réduit à des grognements. Le langage est le plus grand écorché de ce monde sauvage qui conduit l’homme à l’état bestial. Face au grincement de pneus et au vrombissement des moteurs, le mutisme du héros permet à un discours plus élaborer sur la société de retentir. Dans l’air du temps des pratiques de Marvel et DC qui réinventent leurs super héros, Miller fait bien plus que signer une suite à son conte fantastique. Avec Fury Road il lance un reboot de la franchise et fait carton plein !

L’enjeu de l’or noir

Le film démarre et le spectateur retrouve la silhouette familière de Max. Il a des airs de cowboy romantique prêt à s’éloigne dans le couché du soleil, direction le grand inconnu. Mais Max ne va nul part. C’est un homme immobilisé, hanté, plombé par ses souvenirs, traqué et rapidement captivé. Le monde de Max a bien changé. La voix off narrative est là pour témoigner d’une société en perdition. Quand Miller réalisait le premier opus en 1979, la crise pétrolière était centrale. Elle expliquait l’anéantissement du monde tel que nous le connaissons. Dans Mad Max 2 on s’enfonçait encore plus dans le délire. Le pétrole devenait l’enjeu majeur qui motivait l’action. Celui qui détenait le pétrole avait également le pouvoir. Dans Mad Max 3, la possibilité de produire du méthane s’avérait essentielle dans l’effort de fonder un semblant de civilisation. Mais tout cela appartient au passé. Désormais, le monde nouveau souffre d’un manque de Vie. Le monde nouveau se meurt, asséché à l’image du vaste désert rouge qui l’entoure. Le monde nouveau est en manque d’eau.

La Vie à tout prix

Dans l’univers de Miller, le liquide noir a été remplacé en importance par le liquide translucide, et ce thème va se décliner à plusieurs niveaux dans le film à travers le besoin de se procurer du sang fort pour abreuver des corps malades, de s’approprier des femmes saines pour féconder un sperme défectueux, de se trouver une terre fertile pour planter une semence prometteuse. Peut-être cela expliquerait l’aura féminine dont le film s’imprègne et qui parvient à déteindre sur Max – cet homme solitaire, fou d’avoir été privé de sa femme et de son enfant – en rendant sa virilité moins sauvage et plus protectrice. Ainsi, ces thèmes vont rapidement se juxtaposer lorsque Max va se trouver emprisonné par la tribu de Immortan Joe (Hugh Keays-Byrne) pour devenir un donneur de sang pour les Warboys du tyran. Quand l’Impératrice Furiosa (Charlize Theron), la fidèle partisane d’Immortan Joe, trahit ce dernier en emportant au loin son précieux butin – ses femmes « couveuses » – elle déclenche une course-poursuite à la vie ou à la mort dans laquelle Max va se trouver impliqué malgré lui. Quant au spectateur, il ne lui reste plus qu’à attacher sa ceinture et à se laisser porter par cette explosion visuelle de cascades à couper le souffle. 

Un visuel débridé

L’esthétique Mad Max reproduit l’expérience d’une course de vitesse avec des freins bloqués. A l’inverse des trois premiers Mad Max qui ont pris un coup de vieux, Fury Road rend à l’évidence la parfaite maîtrise cinématographique de George Miller. Pourtant, on retrouve les traits caractéristiques de son écriture filmique : son montage nerveux, ses angles insolites, la mobilité de sa caméra et ses zooms secs sur les visages qui transforment ses plans en coups de poings. Mais dans ce quatrième volet, les plans acquièrent une force supplémentaire à travers leur composition interne. Miller soigne la construction de l’avant et de l’arrière plan à travers sa façon de filmer les visages. Il manipule habilement leurs échelles pour accentuer ainsi la dynamique dimensionnelle du cadre.

Puis il y a l’utilisation de la couleur. Cette palette de couleurs primaires, le rouge, le bleu, le vert qui crèvent l’écran et tracent les limites entre la réalité, le cauchemar et le rêve. Surtout Miller réussit un créer un monde fantastique authentique fidèle à son imaginaire, tout en évitant les caricatures passées des motards à l’esthétique punk-psychédélique et limite S.M. La composition de la musique est, cette fois-ci prise en charge par Junkie XL. Bien moins sombre que les compositions rock épiques de Brian May qui contribuaient à renforcer l’atmosphère inquiétante des deux premiers Mad Max (le troisième Mad Max est plus pop en raison de Maurice Jarre et de la participation de Tina Turner dans le film), la musique de Fury Road empreinte des éléments électro-rock new-age et fait plus que rythmer les scènes de poursuite. Elle devient un acteur à part entière, une voix, un hurlement qui couvre les quelques lignes d’un scénario qui est fondé sur l’action pure et le non-dit. Alors, face au silence de l’homme et au bruit des machines, on ne peut s’empêcher de nous demander qui est le plus fou dans l’univers de Miller ?

Folie douce

Dans la saga Mad Max, comme je l’ai déjà évoqué, le langage est mutilé, broyé à l’image des émotions. Les membres des tributs sauvages sont réduits à communiquer par cris, ou bien à travers l’étalage de quelques mots lancés au hasard, au grès d’une syntaxe primaire. Pourtant Fury Road est probablement le film le plus bavard des quatre, même si les scènes de dialogues sont peu nombreuses. Quand Max Rockatansky perdait sa femme et son enfant, il perdait à jamais une part de son humanité. Ainsi le héros traversait le monde en observateur ermite, témoin silencieux d’un monde en dérive dans lequel il ne souhaitait aucunement faire part. Max est amené à choisir de camp non pas par conviction mais par besoin de survie. Dans Fury Road il devient une fois de plus le meneur, celui qui guide et ouvre le chemin, permettant à l’espoir d’une civilisation possible d’exister. Sauf que pour la première fois, sa motivation ne s’arrête pas à la simple survie de son corps. Mad Max cherche également la rédemption de son âme. Alors, il continuera certes à être le défenseur solitaire qui disparait dans la foule une fois son rôle accompli. En attendant, le voilà un peu moins fou. – GV

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